L’arbitre : à quoi faut-il s’attendre ?

2 de fevereiro de 2024

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Le Brésil occupe une place de choix sur la scène internationale en matière d’arbitrage. Les chiffres sont de plus en plus significatifs, non seulement en termes de procédures engagées, mais aussi en termes de montants en jeu. L’avenir est d’autant plus prometteur que seulement 27 % des grandes entreprises du pays ont recours à l’arbitrage.

Il n’est pas étonnant que l’arbitrage prenne de plus en plus d’importance, avec l’insertion croissante de clauses d’arbitrage dans les nouveaux contrats de droit privé, visant à résoudre les litiges commerciaux, et l’augmentation exponentielle du nombre de procédures d’arbitrage impliquant directement ou indirectement l’administration publique. En 2023, les agences de régulation étaient à elles seules parties à 22 affaires, pour un montant total en cause de plus de 500 milliards de R$.

Comme il s’agit d’une juridiction privée, les parties renoncent ainsi à la juridiction étatique, plus formelle et réglementée, en faveur d’une juridiction qui a une plus grande flexibilité procédurale, en fonction de la volonté des parties, et qui permet, si tel est leur souhait, d’obtenir une décision unique et sans appel.

Dans ce contexte, la figure de l’arbitre prend de l’importance car, contrairement au juge étatique, il est choisi directement par les parties. Toute personne capable – exigence objective – qui a la confiance des parties – exigence subjective – peut être arbitre. L’arbitre est investi d’une mission juridictionnelle par la volonté des parties.

L’arbitre est un juge de fait et de droit et doit agir avec impartialité, indépendance, compétence, diligence et discrétion dans l’exercice de ses fonctions. À ce titre, toute personne qui entretient avec les parties ou leur litige e l’une des relations qui caractérisent les cas d’empêchement ou de suspicion à l’égard d’un juge ne peut exercer les fonctions d’arbitre, et les mêmes devoirs et responsabilités énoncés dans le code de procédure civile s’appliquent.

On dit que l’un des points les plus sensibles de l’arbitrage est le choix et la nomination de l’arbitre. La confiance réciproque entre les parties et l’arbitre est essentielle pour la crédibilité de l’institution. L’arbitre est tenu, avant d’accepter sa mission, de révéler tout fait de nature à compromettre son indépendance et son impartialité. Par ailleurs, les parties exercent ce que l’on appelle le devoir minimum de curiosité, en supposant qu’elles effectueront des recherches précises avant d’approuver la nomination de l’arbitre.

Il est également supposé, en vertu du principe de la bonne foi objective, que si les parties identifient une situation qui met en doute l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre, elles doivent la signaler immédiatement et ne pas l’utiliser comme “carte maîtresse” en fin de procédure pour soulever une éventuelle exception de nullité – la fameuse “nullité de poche” ou tardive.

Les intérêts des parties et les attentes de leurs avocats à l’égard de l’arbitre vont bien au-delà de son impartialité. Disponibilité et équilibre sont également attendus. Mais ces attributs sont-ils suffisants ?

Les parties en veulent plus ! Elles veulent des arbitres compétents, afin qu’ils puissent, sur la base de leurs connaissances et de leur expertise dans la matière soumise à l’arbitrage, prendre des décisions techniques et spécialisées, et surtout rendre des sentences motivées et bien fondées, qui soient exécutoires devant les juridictions nationales et internationales.

En outre, les parties attendent de l’arbitre qu’il soit intègre, cohérent, qu’il sache communiquer et qu’il soit proactif et efficace, tant en termes de coûts – qui augmentent parfois en raison d’exigences qui ne sont pas toujours objectives – qu’en termes de délais pour l’accomplissement des étapes de la procédure.

Ce qui garantit également l’efficacité de la procédure d’arbitrage, c’est la prévisibilité de sa durée – si possible avec un calendrier détaillé -, sa transparence – lorsque les parties et l’arbitre manifestent clairement ce qu’ils veulent – et sa sécurité juridique. Il est essentiel que l’arbitre, en conduisant correctement la procédure, puisse l’assouplir en fonction des spécificités de l’affaire et des besoins des parties. Cependant, toute modification de la procédure après la stipulation de la clause compromissoire doit avoir des limites bien établies et être interprétée comme une exception, sous peine d’étendre la procédure d’arbitrage sans justification plausible.

Une fois le tribunal arbitral constitué, il est essentiel que l’arbitre participe activement à la procédure, en veillant dès le départ, avec les parties, à aligner les intérêts communs et divergents, à anticiper et à corriger les situations susceptibles de fausser la procédure. L’arbitre doit favoriser l’engagement des parties et de leurs avocats, en créant un environnement de coopération dans lequel un objectif commun est poursuivi : l’obtention d’une sentence arbitrale équitable et exécutoire.

En l’absence d’un code de conduite universel et obligatoire pour l’arbitrage, les paramètres internationaux et les références contenues dans lasoft law devraient toutefois être considérés comme des ressources pour guider les actions des arbitres et des avocats au cours de la procédure. Les “IBA Rules of Evidence” sont des exemples de lignes directrices internationales qui se sont déjà avérées utiles pour assurer une procédure efficace, économique et équitable.

En outre, les chambres arbitrales exercent un contrôle efficace sur l’arbitre. Nombre d’entre elles disposent de listes d’arbitres, ce qui suppose que lorsqu’elles approuvent leurs noms, elles ont analysé l’ensemble des attributs personnels, moraux et éthiques de ceux qui vont agir en tant qu’arbitres, ainsi que la reconnaissance de leur compétence sur le marché.

Malgré le contrôle exercé par les parties, les avocats et les chambres arbitrales sur l’arbitre, le Congrès national est toujours saisi du projet de loi n° 3293/21, qui vise à modifier la loi sur l’arbitrage et dont l’objectif principal est de réglementer l’activité de l’arbitre en lui interdisant (i) d’agir dans plus de 10 procédures simultanées, (ii) d’agir devant un tribunal lorsqu’il y a identité absolue ou partielle des membres de deux tribunaux arbitraux en activité, indépendamment de la fonction qu’ils exercent ; et de l’obliger (i) à révéler avant d’accepter la fonction d’arbitre et tout au long de la procédure le nombre d’arbitrages dans lesquels il intervient et (ii) à révéler tout fait de nature à susciter le moindre doute sur son indépendance et son impartialité.

Le recours à des procédés dilatoires, qui passent du contentieux judiciaire à l’arbitrage, dénature complètement l’essence de l’arbitrage et lui ôte son avantage principal : l’obtention d’une sentence rapide et efficace. Ces procédés peuvent inclure le refus de se conformer à la convention d’arbitrage librement et consensuellement convenue entre les parties, le retard dans la constitution du tribunal arbitral, l’introduction d’une action en justice dans l’intention fallacieuse de rétablir la compétence du tribunal d’État, des contestations infondées et des recours en annulation de la sentence arbitrale.

La sentence arbitrale doit être respectée. Le recours en annulation devant les tribunaux doit être considéré comme une exception et non comme un appel. Il appartient aux parties et à leurs avocats de respecter les règles qu’ils ont établies conjointement avant le début de la procédure, et il est certain que tout manquement à ces règles doit être sanctionné en fonction du degré de la faute commise.

Par ailleurs, le succès de la procédure d’arbitrage ne peut être attribué à une seule personne, l’arbitre. Selon M. Bedjaoui, l’arbitre “n’est ni un robot ni un objet inanimé. (…) C’est un être de chair, comme un juge ordinaire. (…) L’arbitre n’est pas un être désincarné et flottant, sans origines ni attaches ethniques, culturelles, religieuses ou autres“.

Tout le monde est responsable : les parties, les avocats et les arbitres. L’éthique, le professionnalisme des avocats, le respect mutuel, la coopération, la loyauté et la bonne foi doivent toujours prévaloir, quelle que soit l’issue de l’arbitrage, car on ne perd pas toujours et on ne gagne pas toujours.

Il ne faut pas perdre de vue que notre mission d’arbitre est de trancher et de juger en fonction des faits présentés, de la manière la plus efficace et la plus juste possible. Une tâche difficile ? Oui, peut-être l’une des activités les plus complexes de l’esprit, mais c’est la charge qui nous a été confiée et que nous avons acceptée.

Je conclurai par une citation d’Alexandre Kojève, qui fait l’éloge de l’indépendance du juge comme la première des qualités et que d’innombrables autres peuvent être nécessaires : “Un homme peut être intelligent, énergique, clairvoyant, bon ou autre, mais il ne sera pas choisi s’il est présumé partial (…) D’autre part, si nous savons simplement cela, nous pouvons fermer les yeux sur tous ses autres défauts“.